INTERVIEW d’Eric Sam-Vah: Sensibiliser contre la dengue

La Plateforme d’intervention régionale de l’océan Indien (PIROI) de la Croix-Rouge française mène depuis 2011 un projet de sensibilisation de la population réunionnaise aux risques de catastrophes naturelles, intitulé Paré pas Paré. En 2018, le projet a été élargi aux catastrophes sanitaires dans un contexte marqué par une épidémie de dengue sur l’île. Une maladie vectorielle transmise par le moustique, dont le développement pourrait être favorisé par les changements climatiques.
Trois questions à Eric Sam-Vah, adjoint au chef de délégation de la PIROI, en charge de la gestion des risques de catastrophes.

Quand est apparue l’épidémie de dengue à La Réunion ?
Une épidémie de dengue est survenue aux Seychelles en 2015 (environ 5 000 cas) avant d’être importée à La Réunion en 2016. Elle est toutefois restée très sporadique. En 2017, quelques cas non éradiqués demeuraient néanmoins. C’est fin 2017-2018, avec la saison humide, que la transmission de la dengue est partie à la hausse. En août 2018, plus de 6 500 cas confirmés et plus de 20 000 cas suspects ont été recensés, soit le taux le plus important enregistré depuis 40 ans à La Réunion. Et les spécialistes craignent une épidémie quatre fois plus importante cette année, soit 120 000 cas, selon les projections.
Dans quelle mesure peut-on relier ce fléau à des changements climatiques sur la zone de l’océan Indien ?
Plusieurs phénomènes notables se sont produits. Tout d’abord, l’année 2018 a été l’année la plus chaude depuis 1964. Globalement, depuis plusieurs années, la saison des pluies (de mi-octobre à mars) s’est rallongée, tandis que les températures et la pluviométrie ont augmenté pour atteindre un taux record l’an dernier. Par ailleurs, la fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles ont été plus élevées. En 2018, 5 cyclones ont été enregistrés entre janvier et avril à proximité de La Réunion, ce qui est peu commun. A cela s’ajoutent des phénomènes atypiques et imprévisibles tels que le cyclone Fakir qui, de nuage, s’est transformé en cyclone tropical en 24 heures avant de se dissiper quelques heures après. Les tempêtes successives et les pluies ont pour conséquence de ralentir l’évaporation des eaux stagnantes et l’accumulation de déchets végétaux qui sont autant de gîtes larvaires potentiels à l’origine de la prolifération du moustique Aedes (dit moustique tigre), vecteur de la dengue.

Quelles solutions la PIROI propose-t-elle pour lutter contre le moustique ?
La lutte anti-vectorielle repose sur trois actions : se protéger des piqûres, éliminer les gîtes larvaires, aller voir le médecin au moindre symptôme. Plusieurs mesures ont été prises par l’Agence régionale de santé (ARS) et les collectivités territoriales, comme la mise en place d’un système de veille assuré par des médecins sentinelles qui signalent tout cas suspect, la pulvérisation d’insecticides et le nettoyage des déchets. Pour notre part, nous mettons l’accent sur la sensibilisation de la population. Nous avons adapté le jeu de stratégie « Buzz la dengue », créé par le Centre Climat, pour informer la population des risques encourus et des mesures de prévention à prendre. Des animations sont organisées lors de réunions publiques, marchés, foires, manifestations culturelles ou sportives… en lien avec la préfecture, l’ARS, les communes. Des bénévoles ont été spécialement formés pour cette mission et effectuent par ailleurs des opérations de porte-à-porte. Nos pratiques s’appuient sur notre expérience du Chikungunya. En 2006, l’épidémie avait contaminé un tiers de la population (240 000 personnes) et fait plus de 200 morts.

Cette actualité est en lien avec une des 12 thématiques de la conférence mondiale sur le la santé et les changements climatiques.
Vous pouvez retrouver en suivant le lien l’ensemble des informations sur le thème « Prévenir les risques épidémiques : approche communautaire et santé publique ».
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